Saison 2, Jour 2, de Saint-Marcan à Le-Bout-de-la-Ville
Mardi
12 septembre 2017
La
journée débuta par un petit déjeuner groupé dans la salle à
manger. Toutes les chambres de la maison étant occupées nous fûmes
nombreux autour de la table pour un breakfast très copieux avec un
grand choix de mets.
Je
repris la route sous le soleil matinal. Le
début du parcours se passa sous les meilleurs auspices sous un temps
idéal.
Je
le conçois, mes interventions météorologiques sont nombreuses,
mais je tiens à préciser que l'apparence du temps pour un marcheur
de longue haleine est primordial.
Du
soleil ou de la pluie dépend son
état
d'esprit et sa bonne humeur. Ainsi en ce matin du 12 septembre, le
temps était favorable et mon jovial caractère pouvait librement
s'exprimer. Voilà, c'est dit et je note qu'il valait mieux pour
celles et ceux qui me lisent à l'instant que je fasses cette aparté
sous un ciel serein.
![]() |
Sous un ciel serein |
J'abordai
la Vallée du Riskop. Tracé sur un sol schisteux le sentier
borde et traverse plusieurs fois ce petit cours d'eau. Anciennement
de nombreux moulins à aubes bordaient cette rivière. Il n'en reste
que vestiges. C'était fort agréable de déambuler dans ce sous-bois
frais dont le sentier était souvent creusé par des ornières
inondées sur
lesquelles étaient parfois jetés en vrac des branchages afin d'en
faciliter le franchissement.
La prudence était de mise. Puis le chemin ombragé s'éclaircit pour
s'ouvrir sur le village de Saint-Broladre
que je contournai à gauche de l'église pour aboutir dans un
chemin pentu et étroit traçant un sillon en forêt.
![]() |
Saint-Broladre |
Le soleil
jouait de ses rayons à travers la canopée et m'encourageait pour
aborder de belles grimpettes et leurs pendants. C'était calme et
beau. En haut d'une côte le chemin débouchait sur une route. En
face un champ et
à
son extrémité une maison de pierre. Le cadre était enchanteur.
Dans le pré je vis d'abord un âne puis avançant encore j'aperçus
un jeune homme, avec barbe noire et béret qui regardait la bête,
lui parlant même. Je l'abordai pour tailler une bavette ce qui
sembla lui procurer un plaisir identique au mien. Les rencontres
fortuites sur les chemins de rando sont toujours de petits luxes alors
que l'on voyage seul au milieu de la nature. Il avait le bâton de
pèlerin à la main et la coquille qui pendait sur la poitrine. Il
venait de Dol-de-Bretagne et se dirigeait vers le Mont sobrement
chargé. Je ne sais pas d'où il était parti mais sont objectif
était d'atteindre Saint-Jacques-de-Compostelle. Il débordait d'un
enthousiasme qui me fit chaud au coeur. Il voyageait à vue avec une
belle insouciance sans savoir où il passerait ses nuits suivantes.
Je compris qu'il essayait de trouver des communautés religieuses ou
autres pour l'héberger. Sans doute était-il imprégné d'une petite
dose de mysticisme et de ferveur naïve. C'est bien la jeunesse.
![]() |
Quelques bovins curieux |
Nous
nous quittâmes, lui semblant continuer son dialogue avec l'âne,
moi, poursuivant sur
les
routes
longeant
les champs de maïs ou
les prés occupés par quelques bovins curieux
et sur
les chemins
ombragés sous les parasols de feuillage. Au sortir d'un sentier je
découvris à nouveau la vaste plaine nourricière
qui s'étendait jusqu'à
la Manche.
Et au loin, à l'est, toujours le repère conique du lieu saint.
![]() |
La vaste plaine nourricière |
Le
topo-guide proposait un détour d'une centaine de mètres pour
découvrir un site mégalithique. Je m'y dirigeai. En chemin levant
le nez de mes chaussures, mes yeux furent pris au piège par la
présence, dans un champ à quelques encablures, de deux biches qui
m'observaient. Je m'arrêtai. Je n'eus pas le temps de saisir mon
appareil que déjà elles me montraient leur derrière et
disparaissaient en quelques bonds gracieux dans le bois. Je me
vengeai de ma frustration née de ma lenteur à réagir, en
photographiant, plus loin, les lourdes pierres exposées et chargées
de mystères, qui restèrent immobiles à mon arrivée.
![]() |
Le site mégalithique |
Une
fois la plaine abordée par une douce et longue descente, la suite
du chemin n'avait guère d'intérêt si ce ne fut celui de me
rapprocher du Mont-Dol, particularité géologique, où j'avais
prévu mon étape déjeuner. La route que j'empruntais sur des kilomètres traçait une parallèle avec une banche, long canal rectiligne servant à l'irrigation des terres. Autour se succédaient les cultures de maïs, de céréales mais aussi de verger. Les pommiers en lignes bien tracées perdaient déjà leurs fruits qui tapissaient le sol herbeux.
Pour me donner du courage sur cette interminable ligne droite je me mis à chantonner un vieux chant de la Commune de Paris "La Semaine Sanglante", dont le refrain rythmé accompagnait le martellement de mes bâtons sur le sol. On s'encourage comme on peut sous le règne de Jupiter.
Le Mont-Dol s'élève tel un mamelon granitique sur la plaine uniforme. L'exploitation de carrières dura jusqu’à son interdiction en 1948. Sans l'arrêt de cette activité le Mont-Dol aurait pu être coupé en deux car un filon de dolérite qui en était extrait traversait le mont de part en part.
![]() |
Pommes et pommiers |
Pour me donner du courage sur cette interminable ligne droite je me mis à chantonner un vieux chant de la Commune de Paris "La Semaine Sanglante", dont le refrain rythmé accompagnait le martellement de mes bâtons sur le sol. On s'encourage comme on peut sous le règne de Jupiter.
Le Mont-Dol s'élève tel un mamelon granitique sur la plaine uniforme. L'exploitation de carrières dura jusqu’à son interdiction en 1948. Sans l'arrêt de cette activité le Mont-Dol aurait pu être coupé en deux car un filon de dolérite qui en était extrait traversait le mont de part en part.
![]() |
Le Mont Dol |
Un énième ascension et j'arrivai sur la place de l'église où semblait
m'attendre le serveur du restaurant à la terrasse duquel je m 'installai. Je
commandai une omelette au fromage que je dévorai avec grand plaisir.
Alors que je finissais mon repas apparurent mes randonneurs préférés.
Ce village était le but de leur étape du jour et ils y passeraient
la nuit. Un bonjour et ils s'en furent visiter l'église.
Déjà,
avant d'aborder le village, le temps, resplendissant le matin,
commençait à faire la gueule et je craignais qu'il ne se dégrade
encore. Il me fallait continuer. Le sac à dos que j'installai sur
mes épaules (j'avais fait les frais dans un nouveau, celui de
l'année précédente à bout de course ayant renoncé à me suivre)
me parut lourd d'un coup. Je me sentais un peu fourbu et il me
fallait encore parcourir 8 bornes avant d'atteindre mon lieu
d'hébergement. Et pour corser l'affaire, le GR m'obligeait à une
montée rude jusqu'au sommet de la colline où s'élèvent deux moulins
et un musée.
![]() |
Moulin et musée |
Le temps s'abernodissait et je pressentais qu'il allait
tomber une nappée. Bingo. Du vent se mêla à la pluie. Je me
réfugiai dans un appentis pour enfiler le barda anti-pluie :
protège sac et poncho. Je me battais contre le vent pour mettre ce
vêtement informe et
revêche,
que
je classerais dans
la même
famille que les cintres, et dont le
but unique est d'humilier son utilisateur.
Une fois prêt à affronter la pluie, elle cessa comme bien souvent
lorsqu'il s'agit de s'affubler de cet effet ridicule mais précieux. Je le gardai
considérant qu'il me servirait pour une prochaine ondée.
Vous
admettrez aisément qu'il valait mieux que j'évoque amtérieurement
l'importance du temps sur le moral du
randonneur qu'à ce niveau du récit.
J'étais
donc au sommet de
la colline et
tel un épouvantail mobile j'entamai au sec la descente vers la
plaine et la route qui me mènerait à Hirel et à la mer.
L'itinéraire était plat et monotone mais avait l'avantage d'être
aisé. Le ciel restait gris tout en se gardant d'être vraiment
menaçant.
![]() |
Plat et monotone |
Après
5,5 kilomètres je rejoignis la digue que j'avais quitté la veille
et qui coure du Mont-St-Michel à Saint-Benoit-des-Ondes.
![]() |
La digue de la Duchesse Anne |
A
Hirel, je fis une halte consacrée
à l'élimination
du trop plein de
liquide.
Je fis un rapide tour de cette typique bourgade construite de maisons
de pêcheurs en pierre. Il me restait à gagner Le-Bout-de-la-Ville
(au
moins on sait que l'on ne peut pas aller plus loin) pour
trouver la chambre d'hôte. Je sentais la gêne de l'ampoule que
j'avais pris soin de recouvrir d'un pansement "compeed"
mais s'était supportable. J'admirais les nombreux moulins qui
jalonnaient les derniers kilomètres de côte. Logique avec le vent
qui souffle ici.
![]() |
Moulin et traînes nuageuses |
Je
finis en pieds libres jusqu'à la chambre d'hôte installée dans une
maison moderne à l'intérieur d'un lotissement récent. Il y avait
là tout le confort nécessaire pour m'adonner au rituel d'après
randonnée : douche et repos. J'y ajoutai de nouveaux soins à
l'indésirable phlyctène, entendu que le pansement c'était à
moitié décollé durant la douche. J'avais pris l'initiative de le
décoller totalement ; ce ne fut pas une bonne idée, puisque ce
geste eut pour conséquence de creuser un peu plus la plaie.
Je
partis sur St-Benoit-des-Ondes pour m'installer dans un restaurant à
l'abri de la bruine qui tombait depuis mon départ de la chambre
d'hôte. Je me fis plaisir en mangeant une "moule-frites" arrosée d'un
bon quart de blanc sec. Une parfaite médication pour requinquer le
bonhomme.
PS :
Je viens de voir par hasard sur le site de Ouest-France que le
troquet dans lequel je pris un café à St Marcan, le Tric'Horn Kafé,
à été détruit par un incendie en décembre 2017.
Commentaires
Enregistrer un commentaire