Jour 1, de Vitré à Val d'Izé, kilomètre 19



Mardi 17 mai 2016, GR37




La pelote du temps s'est déroulée. Ce matin débutait le tricotage. Sous un ciel camaïeu de gris j'ai entamé la randonnée que j'espérais depuis de nombreux mois. Avec un peu d'appréhension, certes. Partir seul, même si c'est un désir mûrement réfléchi, n'est pas sans entraîner quelques questionnements en particulier ciblés sur le port et le poids du sac à dos et sur les capacités à enchaîner ainsi lesté 6 jours de marche quotidienne d'une vingtaine de kilomètres en moyenne. Dans le passé je me suis lancé dans de telles marches, dont la dernière sur 10 jours en 1996, mais j'avais... 20 ans de moins et je n'étais pas seul.
Il est 20h30 bientôt. Je suis solidement calé, les coudes en appui sur une massive table en bois foncé, fabriquée par le propriétaire des lieux. C'est du costaud. Elle ne faiblira pas sous mes coups de stylo. Me faisant face, une pelouse rase entretenue par un couple de poules qui m'a tenu compagnie pendant le repas. Une cabane de jardin, un muret de pierre campent le décor simple du lieu. Quelques arbres peuplés d'oiseaux, leur symphonie accompagnant leur va-et-vient anarchique dans les claquements d'ailes. Derrière moi la solide maison en pierre, aux ouvertures ceintes de briques et aux volets à battants bleus, qui fut un presbytère.


L'ancien presbytère

 J'ai quitté Marie à Vitré peu après 9h30. J'ai longé le boulevard pour rejoindre le GR37, trajet que j'avais repéré la veille. Début en douceur sous un temps un peu triste et frais, mais idéal pour la marche. Le chemin est bien balisé et j'ai peu d'hésitation pour le suivre. Après une grimpette je jetai un dernier regard sur les tours et les remparts de Vitré et me voilà en campagne.


Je jetai un dernier regard sur les remparts de Vitré

Je cheminais en alternance sur des chemins creux, sur des voies carrossables bordées de haies d'arbres ou d'arbustes séparant de grandes parcelles en labour où déjà en culture ; essentiellement des céréales, blés et orges. Je m'étonnais de ne pas voir les étendues de maïs. Mais peut être était-il trop tôt à moins que ce ne fussent ces pousses encore toutes tendres qui sortaient à peine  de terre. Je crapahutais ainsi une première heure 1/4 avant d'atteindre le plan d'eau de Cantache que j'ai longé pendant 4 kms. C'était très agréable et reposant, si l'on peut affirmer que la marche est reposante. La surface de l'eau était argentée fidèle à la couleur du ciel qu'elle reflétait. On y distinguait çà et là quelques pièces de puzzle blanches ou bleues lorsque le soleil tentait de timides apparitions. 

Douceur des reflets

Je ne remarquai que peu d'oiseaux aquatiques. Mais j'eus tout loisir d'observer les soudains plongeons des grèbes huppées qui seules semblaient avoir élu domicile en ces eaux.
 
A la pêche

Au long de ce cheminement lacustre le soleil a daigné s'émanciper pour éclairer parfois le lac artificiel. Une aubaine pour tenter quelques photos. J'ai fait une halte méritée arrivé au pied du barrage derrière lequel une aire de pique-nique était aménagée. Il était midi.  Je décidai de continuer la marche et de rejoindre Champeaux où je déjeunerai. Selon les indications portées sur le guide l'église représente un réel intérêt artistique. J'enfournai une barre céréale et repartis. Et je subis ma première vraie grimpette ; c'était pentu et ça durait. J'avais bien fait de ne pas manger avant. La descente qui m'obligeait à mettre les freins, copier/coller de la montée, rejoignait la berge que je quittai aussitôt. Je repris un chemin bordant les champs jusqu'à un menhir qui se dressait esseulé, témoin d'époque révolue, au milieu des herbes hautes. Que nous dit-il ? 

Menhir des Hautes Vallées
  
J'arrivais à Champeaux. De loin je voyais se rapprocher le village aux maisons de pierres blotties autour de sa fière église du XV. Il s'agit d'une collégiale.

Collégiale de Champeaux

J'aurai bien aimé prendre connaissance de ses curiosités, si l'édifice n'avait pas été en pleine rénovation et l'accès interdit au public. Des ouvriers la restauraient pendant que je faisais de même installé sur un banc de pierre un peu branlant, jouxtant un superbe puits couvert datant de 1601.

Le puits couvert

Face à moi, construit en L, un majestueux corps de bâtiment, massif, fiable, aux alentours duquel tournoyaient en vol rasant et bruyant des dizaines d'hirondelles affairées. Dans les corniches des toits ou dans des passages étroits, là où elles avaient édifié leur nid, elles jaillissaient comme des éclairs. Ces maisons formaient l'ancien cloître. À ma droite la mairie construite au début du siècle dernier, originale par son fronton arrondi. Le second intérêt de ce village breton en âme était la présence d'un bar-restaurant dans lequel je pris un café attendu, acte que je n'eus pas le loisir de commettre à chacune de mes étapes. Je fis une bonne halte d'environ 1 heure. Il me fallut remettre le sac à dos sur les épaules. Je commençais à en sentir le poids.
Je crapahutais encore une bonne heure et demie sous le temps grisou avant d'arriver au terme de cette première étape, Val d'Izé. Je quittais le GR37 et longeais une route bordée de champs immenses qui menait à la Haie d'Izé. Dans ce long hameau qui délimitait la route avec ses maisons d'habitation en chapelet je bifurquai pour atteindre un paisible sentier qui s'ouvrait, à travers les haies d'arbustes, vers le village dont je découvris 2 clochers ; étrange pour un bourg de plus 2500 âmes.
 
Deux clochers pour un si petit village
 
J'atteignis enfin le centre. Le bar des Sports me tendait ses bras de fauteuils en terrasse. Je savourais la fraîcheur d'une bière blonde pression. Je le méritais amplement. Je me dirigeai ensuite au 21 rue de l'église. Ma chambre était aménagée dans l'ancien presbytère racheté il y a 20 ans par M Canu, homme débonnaire et rond de 79 ans.
Après une douche réparatrice et un repos qui ne le fut pas moins je m'en fus faire quelques emplettes et le tour de ce village au deux clochers.
L'église la plus ancienne a été transformée en mairie au 19ème par le maire et une nouvelle église fut édifiée.


Du spirituel à l'administratif
Le bourg garde une homogénéité architecturale avec ses maisons de pierres et m'apparaît comme agréable et vivant. J'ai apprécié son école (privée) avec la grande cour entourée de bâtiments abritant les classes, avec, au fond le préau. Le village, doté de ses quelques commerces installés autour de l'axe principal, conserve une âme
A mon retour, Jean, le maître des lieux me proposa tout de go de boire "un coup de rouge". Devant une proposition si sympathique je ne pouvais que m'incliner. Refuser eut été un affront et devant l'idée d'un verre de rouge je perds tout contrôle.  C'est dans sa véranda, que j'ai appris quelque bride de sa vie. Ce personnage issu de Normandie était maître d'oeuvre et d'ouvrage. Il était spécialisé dans la rénovation à "l'identique", c'était sa fierté, de maisons bourgeoises et autres châteaux et manoirs appartenant à de riches personnalités dont certaines célèbres. Je présume qu'il a amassé quelque fortune, puisqu'à 53 ans il a décidé de prendre sa retraite et de fuir la Normandie pour s'installer à Val-d'Izé. C'est de ses propres mains qu'il a transformé le lieu en chambres d'hôte et gîte d'étape. Après deux bons verres de Grave je l'ai remercié et j'ai regagné mon logis pour un simple dîner fait de pâté Hénaff et de pâtes aux saumons réchauffées au micro-onde. ROYAL
Il fait encore jour. Les hirondelles n'ont pas fini leurs arabesques en plein ciel. Les corbeaux semblent prendre d'assaut les arbres qui m'entourent alors que peu à peu le chant des oiseaux s'estompe. Je clos le premier chapitre en buvant du Paddy que Marie a pris soin avant le départ, de verser dans la flasque, cadeau du dernier réveillon. Le carillon de la mairie annonce 22 h.

L'angélus

Commentaires

  1. Sacrée balade que tu nous proposes !
    Les photos sont toujours aussi majestueuses.
    J'ai mis ton blog dans mes passerelles.

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